
Pour ce troisième billet d’été, nous avons testé pour vous une nouvelle visite guidée de Limoges thématique sur les traces des grandes affaires criminelles qui ont marqué la capitale limougeaude : Limoges à l’heure du crime.
Cette visite nous promet donc frissons et découverte des lieux emblématiques de la justice.

Rendez vous est pris Place des Bancs en haut de la rue Haute-Vienne avec Anne notre guide. Il se trouve que la Place des Bancs n’a pas toujours été le lieu où acheter galétous, fleurs fraîches et légumes locaux. Non, Anne nous évoque cette place au Moyen Age qui était un lieu où on rendait la justice et où étaient dressés des gibets avec les corps des suppliciés. Les Archives de la ville possèdent ainsi de nombreuses preuves de justice et des enluminures montrant les corps exposés plusieurs mois aux yeux de la population pour servir d’exemples.
En longeant la place on bifurque vers la rue Jauvion pour évoquer une grande affaire criminelle qui a marqué Limoges : l’affaire Gauthier Pradeau. Cet homme d’extraction modeste va épouser Marie Vidal et accéder à la charge de consul de la commune du Château au XVème siècle. Riche négociateur installé rue Ferrerie, il va s’allier à Jean de Lègles , vicomte de Limoges. Celui-ci souhaitait forcer les murailles du Château et pénétrer dans l’enceinte hautement surveillée. Contre des milliers d’écus, par cupidité et ambition, Gauthier va donc accepter le marché. Hélas, un garde découvre le stratagème et fait échouer le projet. Gauthier est arrêté et condamné à mort. Sa tête est tranché place des Bancs installée sur une pique sur la porte des Arènes et son corps démembré. Cette affaire a longtemps marqué les esprits en Limousin, à tel point que que traiter quelqu’un de « pradeau » était la pire insulte dans les rues de la ville.


Nous reprenons la route cette fois direction Le Présidial. Je suis passée devant des centaines de fois, je le connaissais dans les années 90 comme l’annexe de la Faculté de Droit de Limoges mais jamais je ne l’avais observé aussi longtemps. Et pourtant ce bâtiment a une histoire interessante. Il est construit au XVIII ème siècle par Joseph Broussaud, un architecte connu sur la place de Limoges puisque c’est lui qui a dessiné également le Palais de l’Evêché, La chapelle de la Visitation ou la façade du lycée Gay Lussac( pour ne citer que trois de ses projets les plus emblématiques de Limoges)
D’ailleurs, si ce nouveau Présidial est accolé à l’Eglise St Michel des Lions c’est normal car il est construit à l’emplacement de l’ancien presbytère. D’un point de vue architectural, il est de style néo-classique avec avec son fronton à tympan sculpté d’armoiries. Mais ce que j’ignorais c’était que dans son soubassement se trouvaient des cellules de 9 mètres carrés où étaient incarcérés les condamnés. Et en effet, on les voit bien en empruntant la petite rue qui rejoint la rue Adrien Dubouché.
Cet édifice a connu différentes fonctions (bibliothèque, musée municipal, école notariale etc.. mais en 1858 c’était la prison centrale où 150 détenus étaient emprisonnés dans des conditions insalubres que décrit parfaitement Léon Jouhaud dans ses Moeurs limousines au XVIIIème siècle.


Nous nous rendons maintenant Place d’Aisne, autre lieu de la justice à Limoges. Le palais est construit en 1838 pour remplacer le Présidial. Le bâtiment n’a pas fait l’unanimité à son époque. Certains le jugeant très laid avec son allure de temple grec massif. J’ignorais que les attributs de la justice qui se trouvent sur son fronton avaient été apposés en 1848 seulement et que la statue de Gay-Lussac qui se trouvait sur la place avait été enlevée et fondue pendant la Seconde guerre mondiale.

Mais revenons à nos affaires criminelles. Ici on évoque l’affaire Charles Barataud, un évènement qui en 1928 a été relayé dans toute la France et continue de passionner puisqu’un ouvrage vient d’être publié et éclaire à nouveau cette affaire. Je vous mets un lien ICI
Charles Barataud est un fils de la bourgeoisie limougeaude qui goûte aux plaisirs de la jeunesse argentée juste après la Première Guerre, dans les années 20. On l’accuse d’avoir tué Etienne Faure, un chauffeur de taxi. Il avoue et se rétracte mais avant d’être déféré, le commissaire autorise Barataud à récupérer des affaires chez lui accompagnés de la police. Cependant Barataud tue son amant et tente de se suicider sans succès.
L’affaire devient vite un procès sur fond de lutte de classes et le procès qui débute en 1929 fait grand bruit d’autant que Barataud n’est pas condamné à mort mais au Bagne de Cayenne. C’est là qu’il mourra en 1961 en laissant le mystère du meurtre du chauffeur de taxi entier.

La visite se termine en rejoignant la place Winston Churchill bien visible depuis le Jardin d’Orsay. Anne, notre guide nous évoque ainsi la dernière condamnation à mort à Limoges qui a eu lieu en 1937 avec l’affaire Henri Dardillac, dernier guillotiné en place publique. On l’accuse d’avoir tué au retour d’une foire un négociant en vin Martial Fredon, ainsi qu’un vieil homme. Pour quel motif ? Un portefeuille rempli d’argent jamais retrouvé.
Le quartier abrite la prison actuelle de la ville mais surtout la toute nouvelle cité judiciaire ornée de 12800 panneaux en porcelaine blanche Bernardaud et inaugurée en 2027. Dommage qu’on ne puisse pas y entrer pour admirer les détails dessinés par l’Agence Nicolas Michelin.
Ainsi s’achève cette visite insolite dans les rues de Limoges. Si vous êtes fan de « cold case » et d’émissions policières, vous allez vous régaler en découvrant les hauts lieux de la justice à Limoges du Moyen-Âge nos jours.
MD